Je pense que l'un des avantages de vivre dans une ville comme Paris est son côté cosmopolite. Paris est une ville faite de personnes de tous horizons, de France, Europe, Asie, Afrique, etc. Un peu à l'image de la France qui, de par sa position géographique et son histoire, est depuis des millénaires un carrefour qui relie la mer du Nord à la Méditérranée, les Vikings et les Maures, les Saxons et les Romains, les Germains et les Ibères... La France porte en soi de magnifiques témoignages de cette richesse et diversité culturelle, sous la forme de bâtiments, d'ustensiles de la vie courante, d'oeuvres d'art en tous genres, d'emprunts linguistiques, d'habitudes alimentaires...
Oui, les habitudes alimentaires aussi sont facteur de cohésion, d'intégration. Mais comme pour tout le reste, il a fallu du temps pour intégrer différents éléments et cultures sous une égide commune. Qu'en serait-il par exemple du cassoulet, indéniablement un fleuron de la cuisine du Sud-Ouest de la France, sans l'arrivée des haricots d'Amérique au XVIème siècle? Et la choucroute, spécialité du Nord Est, n'est elle pas un héritage apporté sur les rives du Rhin par Attila, qui aurait ramené le secret du chou fermenté de... Chine? Oui, deux symboles de la cuisine française sont le fruit de voyages, apports lointains et expérimentations diverses, et aujourd'hui, ce sont de dignes représentants de leurs régions. Alors nous sommes bien d'accord, la France, terre d'accueil, carrefour de peuples, s'est formée en sachant adopter et adapter des éléments de toutes cultures.
Qu'en aurait-il été si, au lieu d'apports, ces éléments avaient été des impositions? Qu'est ce qui se serait passé si des puissances extérieures avaient éxigé que la France (ou la Gaule, ou le Royaume des Francs, selon l'époque et le lieu) adopte leurs habitudes culinaires?
Nous ne sommes pas sans avoir lu quelques bandes dessinées d'Astérix, de véritables livres d'histoire anachroniques et caricaturaux, comportant néanmoins beaucoup de choses justes et intéressantes. Ces B.D. sont remplies de pistes à creuser du point de vue historique par les passionnés d'Histoire, pas seulement amateus de l'histoire...
Prenons donc comme exemple l'invasion Romaine. À cette période, une fois conquis et pacifiés les bastions les plus importants, les légions de l'Empire faisaient régner la Pax Romana, une entente entre envahisseurs et envahis, pendant laquelle, pour le "bien commun" et une fois passés des accords avec les principaux chefs de tribus, les uns et les autres vivaient en Paix et bonne intelligence.
Dans Astérix, il n'est pas rare que nos amis Gaulois se rendent à Lutèce (Paris), où les Romains et les Gaulois se côtoient en relative harmonie. Les uns font reconnaître leur supériorité par les armes, les autres ont la garantie de la vie sauve et d'une existence pacifique, et surtout l'assurance de garder pour l'essentiel, leurs coutumes et habitudes en tous genres. Bien sûr, les Romains ont tenu à donner des preuves de leur magnificence,en édifiant des palais, et de leur génie en construisant thermes, aqueducs, routes et autres améliorations. Mais tant que l'acte n'avait pas une importance politique majeure, les Gaulois ont eu le loisir de continuer à être Gaulois, à boire, manger et vivre Gaulois.
Depuis cette période, la France a connu des invasions multiples, et ce dans les deux sens: en tant qu'envahi et en tant qu'envahisseur. Charles Martel a repoussé les omeyyades arrivés jusqu'à Poitiers; quelques siècles après, c'est la France qui a avancé jusqu'à l'autre côté de la Méditérranée. Échange de bons procédés, on appelle ça!
Le temps béni des colonies, béni pour la prospérité économique des pays colonisateurs, n'a pas apporté que de bonnes choses aux colonisés; il est donc de façon toute naturelle que la première forme de résistance de ces peuples (que ce soit en Afrique, Amérique ou Asie) ait été de s'accrocher à leurs cultures respectives. Parler leurs langues, manger leurs plats, c'est passé de Naturel à nécessaire pour leur survie en tant que peuple, qu'entité collective.
Après les guerres de décolonisation, ces anciennes colonies sont devenues des Pays indépendants. Cependant, des liens aussi complexes qu'étroits avec l'ancienne métropole (intérêts économiques, migrations, rapprochement culturels en tous genres) font que le "chacun chez soi" ne soit pas aussi tranché que le voudraient certains. Sans vouloir faire réviser toute l'histoire de la colonisation, je vais illustrer mon propos avec les Pieds-Noirs. Ce sont, comme tout le monde sait, des Français d'origine européenne* qui habitaient en Algérie et qui ont été rapatriés en France métropolitaine lors de l'indépendance du pays.
Ces familles, pour beaucoup en Algérie depuis plusieurs générations, ne connaissant pas toujours la France, se sont retrouvées catapultées au dessus de la Méditérranée, rendus à la terre de leurs ancêtres mais dépossédés de celle qu'ils avaient fini par considérer comme la leur. Les Pieds Noirs ont une identité qui leur est propre du fait de leur vécu particulier; ils ont acquis une culture particulière, hybride entre l'Algérienne, l'Espagnole et la Française. Leurs culture culinaire est tout aussi riche et variée, et est aujoud'hui souvent pudiquement appelée cuisine méditerranéenne. Ayant côtoyé de près une famille de Pieds Noirs, je parle non seulement de connaissances théoriques mais d'un véritable vécu, et je sais à quel point dans cette famille la cuisine constitue un élément essentiel, entre lien nostalgique et inter-générationnel. Les plats vont du tajine ou couscous à la tourte de foie gras, un parfait mélange qui dit bien leur identité; les repas du weekend se prolongent et sont l'occasion de rassembler toute la famille, il est facteur de cohésion familiale.
Tout ceci pour en arriver où, me demanderez vous? j'en convient, ce fut une longue introduction, mais le sujet est pour moi, plus large que ce qu'il ne peut sembler à première vue. Tout ceci parce que j'ai lu aujourd'hui que 8 restaurants Quick en France sont en train de tester non seulement des menus à la viande halal, mais aussi de supprimer tout porc et dérivés de leur carte. Attention, tout ce que j'ai écrit jusqu'à présent dans cet aticle prône l'ouverture, la tolérance et les bienfaits des vertues susmentionnées, notamment au niveau culturelo-culinaire. Ce n'est donc pas logique que je m'insurge contre les «Quick Halal». Eh bah moi, je trouve que si. C'est justement À CAUSE de tout ce que j'ai écrit jusqu'à présent que cette démarche de la part de Quick me dérange. Je m'explique:
- cette démarche n'émane pas d'une quelconque exigence ou demande de la part de la communauté musulmane en France concernant les menus de cette chaîne de fast food. Je crois que tous les musulmans de France, s'ils ont envie de manger halal, savent où se rendre, ce ne sont pas les restaurants et boucheries halal qui manquent;
- il s'agit donc d'une initiative de Quick, dans le but bien avoué de s'attirer la sympathie et le porte monnaie d'une communauté musulmane forte de 5 à 6 millions d'âmes en France. Ce placement stratégique a fait ses preuves dans les restaurants qui l'ont adopté (+30% de chiffre d'affaires dans les restaurants concernés par «l'opération»);
- le fait d'inclure un menu halal n'est pas en soi dérangeant. Ce qui l'est vraiment, c'est d'avoir enlevé toute trace de porc de ces restaurants, et donc au nom de la "tolérance" et de "l'ouverture", léser les millions de non musulmans qui eux, aiment le bacon dans leur hamburger (et qui, rappelons le, sont un petit peu plus nombreux);
C'est donc la logique économique du profit à tout prix qui me dérange dans cet énorme coup marketing, mais aussi ce que ça dit de la société française aujourd'hui: une communauté certes importante au sein de la population peut, sans même avoir à le demander, imposer dans une enseigne a priori destinée à la population en général un rite culturel, un mode de vie. Et honnis seront ceux qui, comme moi, diront qu'ils ne trouvent pas ça normal. Racistes? Xénophobes? Oui, ceux là sauteront sur l'occasion pour fustiger "l'islamisation de la France", le "on n'est plus chez nous, ici!" Mais je ne me considère ni l'un ni l'autre, et je pense qu'il faut, à un moment donné, savoir mettre chaque chose à leur place.
Je ne suis pas musulman, juif, hindou, sikh, chrétien, boudhiste, végétarien, végétalien, en bref je n'ai pas de religion, croyance ou conviction qui m'empêche de manger quelque type de nourriture que ce soit. Je mange ce que j'aime, ce que je n'aime pas, je ne le mange pas. Par exemple, je ne suis pas fan de fromage en général. J'en mange certains et sous certaines formes (mozarella, ou fondu sur une pizza, en fondue...), mais il ne me viendrait jamais à l'idée d'aller faire mes courses de nourriture pour la semaine dans une fromagerie... De même, jamais je n'irais dans la dite fromagerie en attendant y trouver des fruits de mer, que j'aime beaucoup, personnellement. Alors, si Quick a décidé de devenir une enseigne dirigée vers la communauté musulmane en priorité, qu'ils aient un positionnement clair et transparent. Si ce n'est pas le cas, j'exhorte tout le monde, MUSULMANS EN PRIORITÉ, à boycotter ces restaurants. Pourquoi? pour deux simples raisons: ce sont des opportunistes qui surfent sur la soi disante vague de "tolérance" pour s'engraisser sur leur dos; la deuxième est que, si la grande enseigne qu'est Quick prend d'assaut le créneau de la nourriture halal, ce sont les petits commerçants musulmans, dont on est SÛRS qu'ils pratiquent le rite halal et qui vivent de ça, qui se retrouveront sur la paille. Au profit d'un grand groupe deshumanisé et qui n'a de préoccupation que leur argent...
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*(je le précise parce que, avant l'indépendance, l'Algérie étant une province française, tous étaient français, blancs comme arabes; la nationalité Algérienne n'existait pas, puisque l'Algérie n'était pas un pays)