Friday, April 18, 2008

Vers une Négritude...


Césaire est mort. Il a longtemps personnifié, avec d'autres figures de son temps, le combat pour l'émancipation de l'homme Noir. La Négritude, concept qu'il a fait naître et qui vise à réhabiliter la culture noire trop souvent piétinée, pillée, rabaissée par les puissances coloniales européennes, est devenue l'étendard de tout un mouvement, d'éveil des consciences, de revalorisation des Noirs par les Noirs. Pour Césaire,le mot Négritude « désigne en premier lieu le rejet. Le rejet de l'assimilation culturelle ; le rejet d'une certaine image du Noir paisible, incapable de construire une civilisation. Le culturel prime sur le politique. »

Il a permis à des millions de Noirs de se replonger dans leur histoire, de ne pas accepter celle imposé par le colonisateur, qui nous réduisait au rôle de "bons sauvages" illuminés par son arrivée. Il a ouvert la voie à d'autres voix, à d'autres analyses, à une autre Histoire ( Cheikh Anta Diop aurait-il écrit Civilisations Nègres et Culture s'il n'avait été nourri par la Négritude?);
Ce fourmillement est né dans une période d'opposition à la colonisation, et a permis de jeter un pont entre les Noirs de tous les continents, qui s'ignoraient. Avec Senghor, en alternant discours politique et poésie exaltant la beauté et la richesse de la culture Noire (car il existe bien une culture Noire, bien plus profonde que les stéréotypes communément véhiculés et renforcés pas des media tels que Mtv, BET, etc...).

La culture Noire est axée sur des valeurs, sur un mode de vie, sur une mémoire commune du continent Africain, qui s'exprime bien souvent de façon subtile et étonnante... Pour tout cela, ce n'est pas le peuple Noir, ni les minorités victimes de discrimination seulement qui doivent remercier Césaire, mais toute l'humanité, blancs, noirs, rouges et jaunes, car son combat visait avant tout non pas à nier les différences entre les hommes, comme le politiquement correct voudrait que nous le fassions aujourd'hui, mais à les faire ressortir puis cohabiter sur cette planète qui est commune à tous.

La France, Patrie de ce grand homme, est toujours confrontée à des problèmes non résolus découlant de sa période coloniale, des siècles de conditionnement visant à faire croire en la supériorité de l'homme blanc.Et il est de plus en plus urgent de les résoudre, par de vrais dialogues, par une vraie analyse de ce qui se passe aujourd'hui dans la société française. Je ne parle pas d'un interminable mea culpa, d'autoflagéllation coupable pour ce qu'ont fait les méchants ancêtres colonisateurs: il est temps d'avancer; mais en tenant compte la réalité d'aujourd'hui, que la France est, de par son Histoire, un pays multi culturel, au sein duquel les principes de Liberté, Égalité et Fraternité ne s'appliquent pas toujours selon l'idéal des Lumières devenu devise de la République. Les Noirs, les Arabes, les Asiatiques de France ont une Histoire qui ne peut être oubliée ou raccourcie et qui les a amenés sur le territoire français.

Aujourd'hui en France, un mariage sur trois est un mariage mixte (dont seulement 0,5% sont des mariages "blancs", en vue d'obtention de papiers). Ça fait beaucoup de petits métisses à qui il faudra expliquer que ils ont aussi bien des ancêtres gaulois que africains, maghrébins, asiatiques, etc. Et cette Histoire là les interessera forcément, puisque c'est aussi la leur...

4 comments:

Anonymous said...

salut! C'est avec plaisir que je relis cet article hors contexte... c'est-à-dire quelques semaines après le décès d'Aimé Césaire. Tu fais bien de rappeler l'essence du concept "négritude"... certains s'y trompent beaucoup trop! Alors que certains en font un argument de haine entre des groupes qu'ils veulent antagonistes, tu fais bien de rappeler le pouvoir unificateur de ce concept.Par ailleurs l'origine anecdotique de la notion de "négritude" se suffit à elle même puisque Césaire a l'idée de celle-ci après avoir été traité de "sale nègre" en pleine rue. Dès lors, c'est la prise de conscience de la richesse de cette race longtemps salie qu'il prétend vouloir démontrer comme tu le dis si bien. Pour finir, la question de l'explication à nos métisses de cette originalité qui remonte aux ancêtres reste entière et souvent mal gérée! Gros sujet! Faut-il se contenter d'encenser l'homme (sans l'avoir lu souvent...) ou perpétrer son œuvre en l'expliquant à nos gosses et en les incitant à la lire. Rester témoin en dressant une liste d'hommes illustres ou faire d'eux des agents d'une culture qui reste trop superficiellement BET and so on...? grande question pour moi! mal assimilée, encore!

maddly said...

ah voila c bon!

Unknown said...

La grande qualité de Césaire fut son incroyable clairvoyance et sa croyance en un nécessaire rapprochement à l’origine des choses. Son plus grand défaut fut sans nuls doutes ce profond désir de vouloir étendre, sans compromis aucun, la qualité qui fut la sienne, à tous les peuples ayant grandi avec comme plaie béante, la marque de l’oubli et de la méconnaissance.
Voilà le fondement de la complexité « césairienne ». Au-delà de l’homme politique et de son combat, critiquables sur certains points, l’homme érudit s’est acharné à rendre sa fierté et son orgueil à l’Homme bafoué, mais celui-ci, puisque bafoué, assoiffé de reconnaissance, s’est donné entièrement aux premiers actes de compassion montrés.
La Négritude…. Un symbole, la base…. et pourtant forts de cette acceptation, peu de nos frères noirs ont su en développer une force. Des générations entières de nos parents et de nos enfants se sont (ou vont se) fourvoyés en se trompant de centre d’intérêt, en ne vivant qu’en passéistes indécrottables. Alors, face à la tendance qui aujourd’hui vise à en faire un genre de martyre sans gloire (car un toute la gloire du martyre réside dans le fait de mourir pour sa cause), il est impératif de répéter ici : Aimé Césaire n’était pas un Marcus Garvey, encore moins un Hailey Selassie. C’était un homme dont les idéaux, bien que proches de sa terre natale l’Afrique et du ressenti de ses frères, étaient bien éloignés de toutes velléités et de tous désirs de revanche.
We have to keep a clear mind!!!! B
e wise

Unknown said...

Certes, on ne peut résumer un homme à un mot. On ne peut résumer une vie si riche de compléxité en un article. La mort de Césaire m'a donné l'occasion de porter une reflexion sur "être Noir" aujourd'hui. Je suis africain. Fils d'une génération qui s'est battue pour l'autodétermination et l'indépendance de mon pays. Des membres de ma famille sont allés en prison ou sont morts pour que je sois aujourd'hui Angolais et non pas un Portugais de seconde classe, comme ils l'ont été avant 1975. Angolais. Une identité nationale, culturelle. Avant mon arrivée en France je ne m'étais pas rendu compte que j'étais noir. Je dis cela en rigolant, bien sûr, mais le fait est que ici, mon identité, ma spécificité, mon angolanité, pour l'écrasante majorité des gens, n'existait pas. J'étais Noir, un point c'est tout. Un peu original puisque le portugais est ma langue maternelle, contrairement à la grande majorité des noirs en France, issus de l'Afrique francophone ou des Antilles. On a voulu m'assimiler à cette masse indéfinie, sans tenir compte de qui j'étais vraiment. Et la plupart des noirs en France le font d'eux mêmes, un repli communautaire basé sur le simple fait d'avoir en commun le rejet dû à notre couleur de peau. Je suis noir, c'est un fait. En suis je fier? Autant que si j'étais jaune rouge ou blanc. J'ai forcément des points communs avec plein d'autres Noirs (je m'en suis découvert une tonne avec Régis!!!) mais c'est plus dû, je pense, à une sensibilité commune, en plus d'une base culturelle assez proche, quà la couleur de peau. Je suis solidaire du combat contre les discriminations faites aux noirs, mais aussi aux arabes, aux juifs, asiatiques, aborigènes, etc.Car nous, les noirs, on agit souvent comme si on faisait bloc contre le raciste blanc (forcément), mais on oublie que le racisme est partout, même chez nous. La preuve, dernièrement en Afrique du Sud, des étrangers ont été sauvagement agressés, persécutés par les noirs Sud Africains, qui estimaient qu'ils venaient leur prendre leurs emplois. Ces étrangers n'étaient pas blancs. Ils étaient noirs du Zimbabwe, Mozambique, et autres pays d'Afrique australe qui ont une forte migration vers l'Afrique du Sud, où malgré tout ils s'en sortent mieux que dans leurs pays d'origine. C'est pas les races, couleurs de peau ou quoi que ce soit d'aussi chimèrique qui nous définit, mais notre profonde et immuable Humanité. Je cite John F. Kennedy: "So, let us not be blind to our differences - - but let us also direct attention to our common interests and to means by which those differences can be resolved. And if we cannot end now our differences, at least we can help make the world safe for diversity. For, in the final analysis, our most basic common link is that we all inhabit this planet. We all breathe the same air. We all cherish our children's future. And we are all mortal."