« J’a i vu la concubine de l’hémoglobine
Balancer des rafales de balles normales et faire des victimes
Dans les rangs des descendants d’Adam
C’est accablant, troublant, ce ne sont pas des balles à blanc
On envoie des pigeons défendre la colombe
Qui avancent comme des pions défendre des bombes
Le dormeur du val ne dort pas
Il est mort et son corps est rigide et froid »
Mc Solaar, « La Concubine de l’Hémoglobine », de l’album Prose Combat, 1994
Je considère ce premier couplet comme l’un des plus beaux de la chanson française. Au-delà du thème grave abordé par la chanson (à savoir la guerre et son absurdité), le niveau d’écriture atteint par monsieur Claude M’Barali touche simplement au sublime. C’est un authentique coup de poing, une entrée en matière d’autant plus frappante que l’instrumental est minimaliste, la voix monocorde. Le message n’en a que plus de force, la qualité du texte n’en ressort que mieux. Quand il nous balance la rafale de balles normales, on peut entendre le déchaînement en question dans l’allitération en « L », suivie d’une assonance en « AN » qui sonne comme un pleur funeste. Les images défilent devant mes yeux comme au ralenti ; la référence à Rimbaud n’est là que pour être mise en opposition : tandis que dans le dormeur du val tout commence par une évocation presque onirique du sommeil d’un beau jeune homme en communion avec le paysage, pour arriver au constat que c’est un soldat mort et non pas endormi, ici, l’on commence par l’hémoglobine, par les rafales, par le « body count ». Coup de massue d’entrée, pas de florilèges, pas de lyrisme. Le tout avec un texte dont la forme colle parfaitement au contenu. Très probablement le premier et l’un des seuls poètes que le rap français ait eu…
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