
"Pourquoi on trompe, à ton avis?"
Quelle question! Il n'y a pas une raison, chacun et chacune à ses propres, personnelles et uniques, je crois. Ceci dit, une chose est vraie: quoi qu'on dise, c'est toujours symptomatique d'un malaise dans la relation. Et le plus navrant, c'est que, en se parlant et en communicant sans peurs et suffisamment tôt, c'est un malaise qui peut être résolu le plus souvent, sans passer forcément par tant de souffrance. Car oui, tromper, prendre la décision de tromper son amoreux lorsqu'on est dans une vraie relation, c'est très douloureux pour celui qui le fait aussi, s'il tient ou a tenu un tant soi peu à l'autre. C'est un aveu d'échec, de faillite. Ça veut tout simplement dire qu'on est pas à la hauteur de ce qu'on avait idéalisé comme relation. La réplique "ça arrive à tout le monde, mais pas à nous" n'est plus possible. Tromper, plus qu'être trompé (quand on trompe on agit, quand on est trompé on subit, du moins en ce qui concerne directement l'infidélité, sans tenir compte des raisons profondes), est une façon de sortir définitivement du monde des contes de fées, et de se regarder comme on est: capable du meilleur comme du pire. On réalise qu'on n'est pas parfaits, qu'on ne correspond pas à l'idéal qu'on se faisait de nous mêmes...
Résumer l'affaire à "les mecs sont des bites sur pattes" ou "toutes des salopes sauf Maman" empêche de regarder de plus près les VRAIES raisons qui amènent quelqu'un qui est engagé à mettre un "coup de canif dans le contrat". C'est souvent un malaise pas ou mal exprimé, ou alors pas compris par l'autre, la peur, le manque d'assurance, la perte du désir, le besoin de se rassurer... l'éventail de raisons internes au couple est large et divers, on ne peut décemment penser à toutes les énumérer sans en oublier... Puis il y a aussi les raisons extérieures qui interviennent: l'envie de tromper l'ennui d'une vie trop "comme il faut", l'opportunité pas forcément préméditée (mais jamais une surprise totale non plus...), l'oreille attentive qui apparaît à un moment de crise conjugale,le jeu de séduction innocent qui dérape, la soirée arrosée qui tourne à l'orgie, l'entraînement par les potes...
Ce serait prétentieux de se croire capable de décrypter toute la complexité qui intervient dans une situation pareille, car on gère énormément de choses à la fois, l'excitation (oui, il y a queqlue chose d'excitant à faire volontairement quelque chose d'aussi unanimement réprouvé par la société, c'est une transgression comme une autre dans le processus d'affirmation de soi), la culpabilité, le besoin de fuir sa vie, la lâcheté, la rage envers soi même et/ou l'autre (on le fait souvent pour "faire payer" quelque chose, inconsciemment, car on croit toujours qu'on ne sera pas pris); j'ai connu quelques fois les deux revers de cette médaille, "victime" ou "bourreau", le plus souvent un peu des deux à la fois... Je peux parler de mon observation, de mon expérience, de mon analyse. Je peux tirer des conclusions en ce qui concerne mes propres histoires, en tirer des leçons, apprendre et avancer dans la conaissance de moi même dans le rapport à l'autre. La communication inexistante ou brisée à un instant quelconque, le ressentiment, la vengeance ou le désespoir de ne pas voir d'issue à une situation devenue impossible, ce sont des situations que j'ai vécues. Je ne connais pas l'avenir, mais je pense me connaître un peu. Au fur et à mesure que l'on mûrit, que l'on vit, on devient moins "victimes" des mouvements impulsifs que l'on regrette par la suite. Si demain je trompais quelqu'un, ce serait, j'en suis convaincu, parce que je le voudrais, non pas parce que j'aurai été dépassé par une quelconque situation.
C'est facile de parler, certes, mais c'est la vérité. Or il se trouve que je ne suis pas fan de la souffrance d'avoir été trompé, mais encore moins de la culpabilité d'avoir trompé. Donc j'ai décidé en mon fort intérieur d'avoir le courage d'être honnête. Si je crois en ma relation, je ferai tout pour la préserver. Les tentations sont présentes tous les jours, partout, et je ne suis pas plus insensible qu'un autre. Mais je suis conscient de ce que ça représente de PERDRE. Et je ne me vois pas dans une relation sérieuse avec quelqu'un qu'il ne me serait pas difficile de perdre. À partir du moment où je ne craindrais plus de la perdre, c'est que ce serait fini, et à ce moment là, nul besoin de faire semblant, autant y mettre fin. C'est quand même mieux de faire souffrir tout en permettant à l'autre de garder sa dignité, au lieu d'humilier quelqu'un que l'on dit avoir aimé à un moment...
"Le pire danger qu'il y a à tromper autrui, c'est qu'on finit toujours par se tromper soi-même."
Éleonora Duse